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Bilan carbone d’un cabinet dentaire : Par où commencer ?

Découvrez comment réaliser le bilan carbone d’un cabinet dentaire, identifier les principaux postes d’émissions et choisir des actions efficaces pour réduire l’impact environnemental tout en garantissant qualité, sécurité des soins et en préservant l’équilibre économique du cabinet.

Robinet qui coule

Sommaire

La problématique climatique est multidimensionnelle, et y répondre nécessite de prendre un temps d’observation des différentes possibilités et opportunités à agir au sein de nos cabinets (Duane et al., 2020). (1)
Pour une équipe dentaire qui se lance seule, cela représente à la fois une opportunité et un défi. D’un côté, cette diversité ouvre la possibilité d’agir sur plusieurs leviers. De l’autre, elle comporte le risque de se disperser dans des mesures qui, bien que pleines de bon sens, peuvent avoir un impact limité et engendrer pertes de temps, d’énergie et de motivation. Or nous n’avons probablement pas ce luxe. Ni en tant que professionnels de santé, déjà confrontés à un quotidien exigeant et énergivore, ni à l’échelle globale, où le consensus scientifique insiste sur la nécessité d’une contribution efficace à la santé commune (Atwoli et al., 2021) et au respect des objectifs de l’Accord de Paris (Lemoine-Schonne, 2016).
En ce sens, l’évaluation des émissions de gaz à effet de serre et le bilan carbone de notre activité professionnelle ou des biens dont elle dépend fait partie des outils disponibles pour répondre aux questions que se posent celles et ceux qui se veulent être acteurs du changement : Par où commencer ? Sur quels aspects agir prioritairement ? Quelle stratégie choisir pour respecter l’équilibre humain, médical et économique de nos cabinets ?

Dans le cadre de cet article, nous avons réalisé une analyse de la littérature scientifique publiée depuis 2010. Les travaux les plus récents et adaptés à la pratique dentaire libérale ont été conservés (Abed et al., 2023; Almutairi, 2024; Beaton et al., 2024; Steinbach, 2024). Les études intégrant l’analyse de cycle de vie (ACV) ont été privilégiées car elles tentent de prendre en compte l’ensemble des déterminants systémiques, en évaluant les impacts à chaque étape du cycle de vie du produit ou de l’activité. Par exemple, l’empreinte carbone d’une couronne évaluée selon l’ACV inclut toutes les étapes du processus : l’extraction des matières premières, la fabrication, le transport, l’utilisation, la durée de vie et le recyclage.De plus en plus de pays entament des recherches pour décarboner les services de santé, y compris récemment la France (« Décarboner la santé pour soigner durablement », 2025). Le Royaume-Uni est la référence actuelle en la matière (Batsford et al., 2022; Duane et al., 2024; Thomas, 2024).

Les résultats présentés ci-dessous sont issus d’une synthèse de leurs travaux réalisés entre 2015 et 2023. Ils représentent l’empreinte d’un cabinet dentaire britannique fonctionnant 220 jours par an, avec un effectif moyen de 2,5 soignants réalisant 2600 visites. Le bilan carbone estimé s’élève à de 35 tonnes de CO2 (Steinbach, 2024). Pour chaque partie, nous proposons une discussion liée aux spécificités des modèles britanniques et français.

Tab. 1 : Répartition des émissions de CO2 d’un cabinet dentaire avec un effectif moyen de 2,5 personnes, 2600 visites et 35T de CO2 environ au total.

1. Déplacements domicile-travail du personnel : 12,9 tonnes de CO2 - 36%

Cette partie présente la plus grande variabilité puisqu’elle est calculée pour un trajet moyen en voiture d’environ 60km par jour. Cette valeur peut représenter une part majoritaire ou plus modérée du bilan selon le nombre de soignants, le type de transport et le nombre de kilomètres. Quoi qu’il en soit, toute amélioration sur ce poste, même légère, aura une influence importante.

2. Les trajets des patients : 9 tonnes de CO2 – 25.5%

Le modèle anglais semble favoriser des rendez-vous courts, nombreux et une dentisterie restauratrice simple (Hafesji & Burns, 2025). Regrouper des actes avec si possible des rendez-vous longs, adapter les délais de contrôle aux risques carieux et parodontaux des patients ou encore permettre le covoiturage entre les membres d’une même famille peuvent être des leviers d’amélioration.

3. Approvisionnements : 7,5 tonnes de CO2 – 21.2%

Cette fraction correspond à l’ensemble des consommables, fournitures, des dispositifs médicaux, matériel radio et informatique d’un cabinet dentaire.La précision du calcul est particulièrement complexe à atteindre. Là encore, la variabilité peut être considérable selon le type de pratique. Ainsi, un cabinet français centré sur les réhabilitations prothétiques pourrait générer une empreinte carbone plus importante. De même, le recours à un laboratoire local ou à un prestataire à l’étranger est susceptible d’influencer ce bilan.

4. Consommation d’énergie (Electricité, Gaz) et d’eau : 4,4T - 12,5%

Grâce à son mix énergétique favorisant le nucléaire, il est possible que pour cette partie la France ait un impact plus faible que l’Angleterre, cette dernière utilisait encore une part importante de gaz et de charbon il y a quelques années. Néanmoins, des efforts ont été réalisés récemment par les Britanniques en matière d’énergies renouvelables ; ainsi, si différence il y a, elle risque de devenir de plus en plus modérée au fil du temps. (Energy Trends and Prices Statistical Release, 2025)

5. Déplacements professionnels : 1,3T - 3,7%

Cette portion correspond aux trajets en lien avec notre activité. Une part majoritaire des déplacements est liée à la formation. La variabilité peut donc être très importante entre les types de formation locales, en distanciel ou les destinations lointaines nécessitant des trajets en avion.

6. Recyclage et traitement des déchets (médicaux, solides, eaux, chimiques, carton) : 0,4T – 1,1%

Même si cette fraction est faible, cela rappelle que l’empreinte carbone n'est pas une fin en soi mais un indicateur parmi d’autres. Cette approche évite d’invisibiliser d’autres déterminants importants : la perte de la biodiversité, la surexploitation des ressources et l’influence néfaste des déchets et différents polluants chimiques sur les écosystèmes. (Duane et al., 2019; Martin et al., 2021)

7. Conclusion

Bien que les spécificités anglaises ne soient pas directement transposables au contexte français, les études permettent de voir sur quels leviers il est préférable d’agir en priorité : la nature et le nombre des trajets, que ce soit pour les soignants ou les patients, et toutes les mesures réduisant les besoins de soins à court, moyen et long terme.D’autre part on peut constater combien les changements se doivent d’être systémiques pour avoir un impact fort sur l’empreinte carbone des cabinets mais aussi afin de sortir d’un certain nombre de paradoxes. A titre d’illustration, la convention actuelle participe à limiter un changement profond en honorant bien plus la réhabilitation d’une succession d’échecs thérapeutiques que tout ce qui participe à éviter l’apparition des affections orales et leurs récidives. Dès lors, exiger des professionnels qu’ils atteignent seuls la neutralité carbone reviendrait à fragiliser leur équilibre économique pour un impact limité — surtout en l’absence de politiques publiques ambitieuses, favorisant par exemple la réduction de la consommation de sucres ajoutés.Cela dit, agir à notre échelle de manière raisonnable peut contribuer à faire émerger une prise de conscience plus large chez les décideurs. C’est dans cette logique que s’inscrit ce travail : aider les acteurs du monde dentaire à prendre des décisions éclairées, pertinentes et soutenables sans les culpabiliser, simplement en les aidant à prendre leur part et nous organiser collectivement pour faire face aux nouveaux risques écologiques et sanitaires actuels.

Bibliographie

Abed, R., Ashley, P., Duane, B., Crotty, J., & Lyne, A. (2023). An environmental impact study of inter-dental cleaning aids. Journal of Clinical Periodontology, 50(1), 2-10. https://doi.org/10.1111/jcpe.13727

Almutairi, W. (2024). Can traditional oral hygiene methods compete with conventional toothbrushes in effectiveness? Evidence-Based Dentistry, 25(3), 154-155. https://doi.org/10.1038/s41432-024-01030-6

Atwoli, L., Baqui, A. H., Benfield, T., Bosurgi, R., Godlee, F., Hancocks, S., Horton, R., Laybourn-Langton, L., Monteiro, C. A., Norman, I., Patrick, K., Praities, N., Olde Rikkert, M. G. M., Rubin, E. J., Sahni, P., Smith, R., Talley, N., Turale, S., & Vázquez, D. (2021). Call for Emergency Action to Limit Global Temperature Increases, Restore Biodiversity, and Protect Health. New England Journal of Medicine, 385(12), 1134-1137. https://doi.org/10.1056/NEJMe2113200

Batsford, H., Shah, S., & Wilson, G. J. (2022). A changing climate and the dental profession. British Dental Journal, 232(9), 603-606. https://doi.org/10.1038/s41415-022-4202-1

Beaton, L., Boyle, J., Cassie, H., Clarkson, J., Colthart, I., Duane, B., Duncan, E., Fennell-Wells, A., Felix, D. H., Field, J., Fisher, J., Garbutt, D., Girdler, J., Glenny, A.-M., Glick, M., Goulao, B., Ikiroma, A., Johansson, M., Jones, D., … Wolff, M. (2024). Sustainable oral healthcare : What is it and how do we achieve it? British Dental Journal, 236(11), 907-910. https://doi.org/10.1038/s41415-024-7460-2

The Shift Project. (2023). Décarboner la santé pour soigner durablement. https://theshiftproject.org/publications/decarboner-sante-soigner-durablement/

Décarboner la santé pour soigner durablement. (s. d.). The Shift Project. Consulté 9 juillet 2025. https://theshiftproject.org/publications/decarboner-sante-soigner-durablement/

(Doublon conservé car tu l'avais cité deux fois — si tu veux je peux fusionner)

Duane, B., Ramasubbu, D., Harford, S., Steinbach, I., Stancliffe, R., & Ballantyne, G. (2019). Environmental sustainability and biodiversity within the dental practice. British Dental Journal, 226(9), 701-705. https://doi.org/10.1038/s41415-019-0208-8

Duane, B., Stancliffe, R., Miller, F. A., Sherman, J., & Pasdeki-Clewer, E. (2020). Sustainability in Dentistry : A Multifaceted Approach Needed. Journal of Dental Research, 99(9), 998-1003. https://doi.org/10.1177/0022034520919391

Duane, B., Steinbach, I., & Mackenzie, L. (2024). A carbon calculator : The development of a user-friendly greenhouse gas measuring tool for general dental practice (Part 2). British Dental Journal, 236(1), 57-61. https://doi.org/10.1038/s41415-023-6626-7

GOV.UK. (2025). Energy Trends and Prices statistical release : 26 June 2025. Consulté 8 juillet 2025. https://www.gov.uk/government/statistics/energy-trends-and-prices-statistical-release-26-june-2025/energy-trends-and-prices-statistical-release-26-june-2025

Hafesji, A., & Burns, L. (2025). Waiting in line for a check-up : Evaluating access to NHS dental services in England. British Dental Journal, 1-8. https://doi.org/10.1038/s41415-025-8320-4

Lemoine-Schonne, M. (2016). La flexibilité de l’Accord de Paris sur les changements climatiques. Revue juridique de l’environnement, 41(1), 37-55.

Martin, N., Sheppard, M., Gorasia, G., Arora, P., Cooper, M., & Mulligan, S. (2021). Awareness and barriers to sustainability in dentistry : A scoping review. Journal of Dentistry, 112, 103735. https://doi.org/10.1016/j.jdent.2021.103735

Nos Gestes Climat. (s. d.). Évaluer son empreinte carbone personnelle. https://nosgestesclimat.fr/

Steinbach, I. (2024). What is the environmental footprint of a dental practice ? A life cycle analysis (Part 1). British Dental Journal. https://www.nature.com/articles/s41415-023-6710-z

Thomas, A. (2024). Reducing carbon footprint in dental practices. British Dental Journal, 236(11), 890. https://doi.org/10.1038/s41415-024-7537-y

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